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[. . . ] NOUVELLES DU PETIT PARADIS
Chroniques n° 1 à n° 23
Mathieu Lehibou
San Antonio de Ibarra, Equateur Copyright © 1999-2003 Tous droits réservés
mathieu. lehibou@free. fr
Avertissement
Les vingt-trois Chroniques réunies dans le présent document ont été écrites entre janvier 1997 et mai 2002. Elles ont été publiées dans mon site web intitulé «Nouvelles du Petit Paradis» entre février 1999 et septembre 2002, à côté d'autres textes, qui peuvent être consultés à l'adresse: http://www. angelfire. com/ab/petitparadis . J'ai apporté un certain nombre de modifications mineures aux chroniques originales, dont la plupart sont des corrections d'orthographe et de grammaire, et quelques-unes des améliorations de forme. Pour l'essentiel, ce texte est fidèle aux originaux.
Mathieu Lehibou Avril 2003
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TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT___________________________________________________2 1. [. . . ] D'ores et déjà, j'ai mieux compris les réactions effarouchées de certaines personnes à l'égard d'un individu aussi vulgaire et mal dégrossi que votre serv iteur. En effet, après avoir copié le style de vie du milieu petit bourgeois dont je suis issu pendant une douzaine d'années, j'ai balancé par-dessus bord tout ce qui ressemblait aux raffinements de la vie urbaine et j'ai passé six ans sans eau (de la ville), sans électricité, sans téléphone : «l'âge de la pierre» disait une publicité du Monde, que j'avais soigneusement découpée (car mon seul luxe à cette époque, à part l'air pur et le silence du plateau de Labeaume, était de lire Le Monde). Progressivement revenu à la vie civilisée pour des raisons surtout économiques -- l'obligation de perdre ma vie à la gagner --, je n'ai plus réinvesti dans des commodités telles que les meubles anciens, les tapis d'Orient, les tableaux, les bibelots, l'argenterie, la vaisselle, les nappes brodées. . .
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La bourgeoisie étant ce qu'elle est, je n'aurais pas dû être surpris de voir que les Colo mbiens, dès qu'ils accèdent à une certaine aisance, singent leurs congénères américains ou européens, comme ils l'ont toujours fait d'ailleurs. Je m'étonne que l'on puisse dépenser autant d'énergie et d'argent dans la poursuite des formes extérieures de la respectabilité, en quoi je fais preuve, je le sais, d'une indécrottable naïveté. Et je ne peux m'empêcher de sourire intérieurement quand les gens me montrent avec fierté les horreurs qu'ils ont achetées à prix d'or chez un brocanteur parisien. Mon rêve à moi serait de trouver des «infieles» en creusant les fondations de la nouvelle aile de notre maison, dont la construction vient de commencer. «Infidèles» (au sens de païens), c'est ainsi que les gens de Santa Rosa appellent les vestiges qu'ont laissés leurs ancêtres dans des tombes profondes de plusieurs mètres. On y trouve parfois de très belles poteries, peintes de motifs géométriques et cela m'impressionne beaucoup plus que les lampes à pétrole du dix-neuvième ou les vases de Lalique. Un autre trait de la bourgeoisie colombienne est la délicatesse de ses manières. Quoique ayant pratiqué le baisemain comme adolescent (pour m'élever au-dessus de la foule), je me suis habitué au caractère direct et plutôt sans gêne des relations dans le milieu professionnel où j'ai vécu ces vingt dernières années. J'avais même fini par éliminer de mon répertoire le trop mécanique : comment allez-vous ?J'ai donc été décontenancé par la complication des rites de rencontre en Colombie. C'est une véritable rafale de questions qui vous assaille : « ¿Que tal?¿Que más?» Bien entendu, comme en France, votre interlocuteur n'attend pas vraiment de réponse de votre part, mais, déséquilibré par cet excès d'intérêt, j'ai mis du temps à m'en rendre compte et je ne suis pas assez spontané pour en faire autant. Je n'arrive pas non plus à manifester verbalement avec toute la chaleur nécessaire la satisfaction que me procure la rencontre d'une personne avant de savoir si elle me plaît ou non et à enfiler les phrases toutes faites comme des perles : «Que gusto conocerle, es un gran placer para nosotros de tenerlo aqui, nos honra inmensamente su presencia en nuestra humilde casa, ¡que alegria!¡que felicidad!» (Quel plaisir de faire votre connaissance, c'est un grand honneur pour nous de vous avoir ici, votre présence dans notre humble demeure nous honore immensément, quelle joie !Ensuite, alors qu'à Lyon les trois baisers étaient de mise, même avec une femme rencontrée pour la première fois, ici, je suis toujours dans le doute de savoir à partir de quel degré de connaissance le baiser est adéquat et j'ai peur d'être importun. Et comme l'habitude locale est de s'en tenir à un seul baiser, je me sens frustré parce que ça s'arrête tout de suite, si bien que je me limite à une banale poignée de main, qui doit être ressentie comme un ma nque de tempérament de gringo. Le plus difficile pour moi a été l'apprentissage de l'«abrazo» (l'accolade) avec les hommes, accompagné de grandes claques dans le dos. Comme pour le baiser, je ne sais pas trop à quel moment il devient indiqué, et j'ai de la peine à régler une distance correcte. Pas trop près pour ne pas tomber dans une confusion équivoque (qui m'a amené un jour de distraction à embrasser la joue mal rasée de Rodolfo, notre voisin), pas trop loin, car cela ne ressemblerait plus à un abrazo. Je me suis rendu compte que je n'étais pas le seul à rencontrer ces problèmes d'ajustement. [. . . ] et c'est fini !
Rien ne me sera épargné, au cours de cet ultime séjour à Pasto, en tant qu'habitant. Le mardi avant notre départ, comme souvent tôt le matin, j'essaie d'entrer sur internet. Je recommence plusieurs fois, mais j'obtiens toujours le même résultat, négatif. Je constate à cette occasion que la disquette de démarrage a malencontreusement disparu. [. . . ]